Comment la photographie de mode a accompagné l’activisme afro-américain

Comment la photographie de mode a accompagné l’activisme afro-américain

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© Dana Scruggs

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Par Lise Lanot

Publié le

Une exposition interroge la représentation afro-américaine en faisant dialoguer des œuvres d'hier et d'aujourd'hui.

Le nom de Kwame Brathwaite ne vous dit peut-être rien et c’est à cela que le Houston Center for Photography tente de remédier. Le musée met à l’honneur le travail du photographe de mode né en 1938 à Harlem. Ses images ont participé à l’affirmation visuelle de la communauté afro-américaine. L’institution fait entrer en résonance ses photographies, datant du siècle dernier, aux travaux des photographes contemporain·e·s Arielle Bobb-Willis, Micaiah Carter et Dana Scruggs.

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Le centre d’art, malheureusement fermé, a eu la bonne idée de tourner une vidéo, visible en ligne, qui présente quelques œuvres phares de l’exposition “Tools of Revolution: Fashion Photography and Activism” et la remet en contexte. La vidéo, d’une durée de seulement cinq minutes, ne remplace évidemment pas la visite en chair et en os, mais a le mérite de retracer les histoires respectives des différent·e·s photographes et de proposer une approche chronologique et thématique du rôle de la photo de mode dans l’activisme afro-américain.

Virtual Exhibition Tour of Tools of Revolution: Fashion Photography and Activism from Houston Center for Photography on Vimeo.

La narratrice nous balade d’une mise en situation historique à une approche contemporaine et problématique de la visibilité noire, vue à travers un prisme artistique. De la moitié du XXe siècle aux années 2020, l’exposition met en relief la réappropriation de la construction et de la représentation des personnes noires. Sont présentés des travaux d’artistes noir·e·s, montrant des modèles noir·e·s.

“Black Is Beautiful”

Le travail de Kwame Brathwaite est utilisé comme point de départ de l’exposition. Son œuvre artistique est mise en résonance directe avec sa vie et son parcours politique. C’est au début des années 1960 qu’il réalise ses premières séries photo, après s’être pris de passion pour le jazz.

“Sans Titre (Garvey Day, Deedee dans la voiture)”, 1965. (© Kwame Brathwaite/Houston Center for Photography)

En 1962, après avoir créé la “African Jazz-Art Society & Studio” aux côtés d’autres artistes, il met en place avec son frère des concours dédiés aux personnes noires. Le premier s’intitule “The Original African Coiffure and Fashion Extravaganza Designed to Restore Our Racial Pride & Standards” (“grandiose spectacle de mode et de coiffures africaines originales créé pour restaurer nos standards et notre fierté ethnique”).

Grandement inspiré par le militant politique jamaïcain Marcus Garvey, Kwame Brathwaite utilise son art pour transmettre des messages culturels, économiques et politiques, à l’instar du célèbre “Black Is Beautiful”, “Buy Black” ou encore “Think Black”. Le photographe ne mettra jamais de côté son amour pour la musique et immortalise de célèbres musicien·ne·s noir·e·s du XXe siècle, tel·le·s que Nina Simone, Stevie Wonder, Bob Marley et James Brown.

© Micaiah Carter/Houston Center for Photography

De l’importance de la représentation visuelle

Aux côtés des photos de Brathwaite, les images d’Arielle Bobb-Willis, de Micaiah Carter et de Dana Scruggs permettent une approche compréhensive et évolutive du pouvoir de l’image dans le cadre des luttes sociales et politiques. Se pencher sur la photo de mode est loin d’être une approche superficielle. Au contraire, la mode reflète les problématiques d’une époque et la “décolonisation de la mode” représente une portion importante du travail des photographes exposé·e·s :

“Ces photographes présentent une nouvelle forme d’activisme qui incorpore dans le lexique visuel populaire des visions de la beauté inspirées par des problématiques politiques. En clair, ils nous montrent comment la photographie est un moyen et la mode un outil, qui élargit non seulement notre vision, mais aussi nos valeurs”, affirme le Houston Center for Photography.

L’exposition permet de prendre connaissance du chemin parcouru, tout en reconnaissant que nous sommes loin d’en être arrivé au bout. La représentation est un travail collaboratif qui se nourrit en partie du passé pour créer le présent et le futur, en s’affichant sur les murs des musées et les pages des magazines, mais aussi dans les rangs de la société.

© Arielle Bobb-Willis/Houston Center for Photography

“Jeremy O. Harris”, pour GQ Magazine, mars 2019. (© Micaiah Carter/Stylisme : Mobolaji Dawodu/Houston Center for Photography)

© Arielle Bobb-Willis/Houston Center for Photography

© Arielle Bobb-Willis/Houston Center for Photography

© Dana Scruggs/Houston Center for Photography

© Dana Scruggs/Houston Center for Photography

© Dana Scruggs/Houston Center for Photography

© Micaiah Carter/Houston Center for Photography

“Tools of Revolution: Fashion Photography and Activism – Kwame Brathwaite, Arielle Bobb-Willis, Micaiah Carter, and Dana Scruggs” est visible en ligne, sur le site du Houston Center for Photography, jusqu’au 10 mai inclus.